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Champs ouverts est une série de photomontages exposés en 2007.

Michel Peetz a photographié le même paysage, à différentes heures et à différents moments de l’année. Chaque œuvre rassemble trois clichés sur pellicule 6 × 9 cm, avec un très fin rendu du détail. Ces pellicules ont été scannées et recomposées pour offrir un panorama, imprimé sur papier Epson d’Art lisse, en format 40 × 110 cm.

En deçà de l’horizon, ce sont les ondulations calmes des saisons et du relief condruzien. Les physionomies du ciel s’annoncent déjà comme le principal sujet de recherche de l’artiste.

Ciels d’horizon

Marier le ciel et la terre est une ambition conférée d’ordinaire aux poètes. Mais à voir les clichés de Michel Peetz, on conçoit aisément combien la photographie paysagiste peut célébrer cette noce avec le même bonheur. Penché à la fenêtre de son ‘atelier observatoire’ pendant près d’un an et demi, l’artiste a observé longuement toutes les métamorphoses de la vue qui s’offrait à lui. Matin, midi et soir ainsi qu’au gré des saisons, son œil a traduit avec un détachement serein les mille déclinaisons que la nature opère sur ses œuvres. Le corpus photographique obtenu à partir de cette seule vue se compose à ce jour de plusieurs centaines de documents. Une obsession quasi monomaniaque qui n’est pas sans rappeler les vertus patientes de la philosophie zen. Déceler le singulier dans le multiple voire l’inverse, c’est comprendre que l’immuable et l’éphémère sont les contraintes nécessaires à la survie de l’instant, des ans et du monde.

Michel Peetz a décidé d’intituler ce travail ‘champ ouvert’. Le champ évoque à la fois la pâture, mais aussi le cadre de l’image avec son agencement structurel et ses lignes de force. Quant à ‘ouvert’, il y a ici comme un écho à l’appel de l’horizon qui est lui-même un renvoi à l’infini. Si l’artiste cultive à foison toutes les échappées de l’image, il aime conjointement à en souligner le caractère profondément artificiel. A y voir de plus près, le paysage que contemple le spectateur est moins ouvert que soigneusement cloisonné et organisé. Mais l’élément humain, source de cette extrême domestication, est strictement évincé de toutes ces photographies. Ce qui confère à l’ensemble une impression quelquefois étrange et hiératique.

Ce sont les implications de l’horizon qui intéressent avant tout Michel Peetz. Ses photos n’accordent aucune importance au caractère anecdotique de l’avant-plan. Le détail a pour effet de distraire l’œil. Il focalise inutilement notre attention sur le caractère aléatoire des scories. C’est directement sur la ligne d’horizon que doit se poser le regard du spectateur car elle est le ‘fil du rasoir’, le lieu privilégié de tous les possibles. Le format carré a été évité, car trop générateur de limites dans l’espace. Au contraire, les clichés horizontaux impliquent de fait une contemplation active éloignée de toute contrainte dirigiste. Le rectangle est une invitation discrète au hors champ. Quant au rapport de force entre terre et ciel, il a été strictement calculé sur chacun des ces paysages photographiques. Il faut en effet que l’un puisse soutenir le ‘choc visuel’ de l’autre, et seul un sol tendu par un strict équilibre de tensions peut supporter la quasi-totalité des ciels jusqu’aux plus nuageux.

Aucun romantisme ne guide l’objectif du photographe. Son travail est essentiellement technique. Et si l’émotion vient poindre subitement, c’est surtout grâce à la justesse des rapports chromatiques et au caractère ‘architecturé’ de l’image. Si les sols sont par vocation inertes, les ciels évoquent par contre une expressivité qui varie considérablement d’un cliché à l’autre. Les photographies de Michel Peetz se mettent au diapason des polyphonies climatiques, elles se jouent des couvertures nuageuses pour mieux dépeindre l’activité baroque du ciel. Elles nous aident à retrouver le regard pénétrant sur les choses, nous invitant à regarder la nature plutôt qu’à simplement la voir. ‘Fenêtres ouvertes sur le monde’ elles raviront l’œil en quête d’émotions simples et vraies.

Olivier Duquenne